Semences Préserver la recherche
Le secteur des semences se porte bien en France, et même très bien. Attention cependant, aux décisions qui sont prises aujourd'hui en matière d'investissement dans la recherche ou de dispositifs réglementaires. Elles seront déterminantes pour maintenir la bonne santé de la filière dans les années à venir.
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Avec un chiffre d'affaires de 3 milliards d'euros et un excédent brut de la balance commerciale de près 800 M€, la filière semences en France figure parmi les toutes premières au monde et fait vivre 15 000 salariés et près de 18 000 agriculteurs multiplicateurs. « Cela ne nous empêche pas d'être inquiets pour le futur », expliquait Régis Fournier, président de l'UFS, Union française des semenciers, lors de la dernière assemblée générale de l'association, car pour lui les semenciers et les sélectionneurs travaillent sur le long terme. « Et les conséquences des orientations réglementaires ou des choix politiques d'aujourd'hui ne se mesureront que dans plusieurs années, explique-t-il. Ce sont ces choix politiques qui influencent la stratégie de nos entreprises en matière de recherche. » Or, pour assurer leur pérennité, les semenciers n'ont pas le droit à l'erreur dans le choix de leurs programmes de recherche. Ils doivent aussi être très vigilants quant à l'évolution de la réglementation. Une norme trop rigoureuse, une décision mal adaptée, pourraient complètement remettre en cause leur métier. Et dans ce domaine, le nombre de dossiers ne manque pas, en commençant par la loi sur la biodiversité (lire p. 32) actuellement en cours de discussion en France, qui constitue un enjeu majeur pour les entreprises de sélection. Il en est de même du débat sur le COV, certificat d'obtentions végétales et le brevet (lire p. 33). « Ce sont des dossiers extrêmement importants, il en va de l'accès aux ressources génétiques pour les sélectionneurs et de la survie et de la diversité de nos entreprises à un horizon de 2025 ou 2050 », estime Pierre Pagesse, président du Gnis. La Commission européenne a également abandonné en décembre dernier la fameuse loi sur les semences qu'elle préparait depuis 2007.
« Cette décision n'aura pas de conséquences majeures pour les semenciers français, souligne Catherine Dagorn, directrice du Gnis. Nous allons continuer à travailler avec les douze directives existantes. Mais avec l'abandon de la loi, la question de l'inscription des variétés "sans valeur intrinsèque" ou menacées d'érosion génétique, ne sera pas traitée. C'est regrettable. » Il existe déjà un texte relatif à ces variétés, la directive 2009/145/CE. Le Gnis estime cependant qu'il a besoin d'être revu pour mieux répondre aux demandes de la société... et espère que les députés européens relanceront le débat. Le conseil de l'Union européenne a aussi définitivement validé le 2 mars, la possibilité pour chacun des Etats membres, d'interdire la culture des OGM sur tout ou partie de son territoire. Une décision qui va encore accroître les distorsions de concurrence au sein de l'UE. « Cette renationalisation va permettre à certains pays européens comme la Grande-Bretagne, l'Espagne, le Portugal... de développer et d'appliquer leur recherche », regrette l'Association française des biotechnologies végétales, AFBV. En d'autres termes, de cultiver des OGM. « Peut-être aussi l'Allemagne », ajoute le Gnis. Mais très probablement pas la France, même si le président François Hollande, à la veille du Salon de l'agriculture, a déclaré qu'il souhaitait que la France poursuive ses efforts de recherche sur les OGM. Les semenciers continuent d'ailleurs à demander avec insistance, la définition d'un seuil de présence fortuite d'OGM dans les semences, à 0,4 % par exemple. Car leurs productions de semences sont chaque année menacées, par la découverte de traces, aussi infimes soient-elles, d'OGM dans un lot ou un autre. Bonne nouvelle par contre aux yeux des semenciers, le revers que les détracteurs des traitements de semences à base de néonicotinoïdes, viennent d'essuyer. Le Sénat a en effet rejeté le 4 février, la résolution portée par le sénateur écologiste Joël Labbé qui demandait au gouvernement de faire pression sur l'Europe pour interdire ces insecticides sur toutes les cultures.
DOSSIER RÉALISÉ PAR BLANDINE CAILLIEZ
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